La dame de la cabane (partie 3)

Mélia Pelletier, Mont Notre-Dame 14 mars 2021

Assure-toi d’avoir lu les deux premières parties de l’histoire avant de lire celle-ci. 
La dame de la cabane (partie 1)
La dame de la cabane (partie 2)

 

Je tremblais, je pleurais, je vomissais et je pensais. Un policier parlait avec mes parents. Une ambulance est partie par le petit chemin de gravier. Pascal observait les voitures de police avec admiration et moi… J’étais enroulée dans une couverture de laine, assise sur un banc de bois à l’extérieur et buvais un verre d’eau minérale. Des larmes de tristesse de nervosité et d’incompréhension perlaient sur mes joues. Mes yeux étaient rouges et gonflés. Je balançais sans arrêt mon corps. En avant, en arrière, en avant, en arrière. Puis, je me remémorais toute la scène. Cette horrible et indélébile scène roulant en boucle dans mon esprit. 

Je cherchais un linge humide dans le grenier, ma vie semblait parfaite jusqu’à ce que je découvre ce cadavre, pâle et sans vie. J’ai crié à m’en déchirer la gorge. Alertée par mon hurlement, maman est montée et a découvert le corps de Henri Nolet. Henri Nolet de l’histoire du garçon que j’avais surnommé la fouine et qui avait inventé cette absurdité de grand-père. En fait, il m’avait dit la vérité. Cette maison n’appartenait pas à une femme, mais à un homme aux cheveux poivre et sel, qui lisait son journal en fumant sa pipe et qui avait toujours des chocolats cachés dans ses poches. Du moins, c’était l’idée que je me faisais d’un grand-père aimant. Moi, je n’en avais jamais eu, le père de maman était décédé d’une crise cardiaque alors que je n’avais que 2 ans et mon autre grand-papa (le père de mon père) avait abandonné sa famille lorsque mon papa avait 10 ans. Pour revenir à cette horrible histoire, maman hurla à son tour et me dit avec force de redescendre et d’aller avertir papa. Il appela la police qui elle appela une ambulance et l’identité judiciaire.

Mon coeur battait si vite, j’avais un goût amer dans la bouche. Une policière bien bâtie aux cheveux roux s’approcha de moi en me montrant son insigne. Elle me fit un sourire se voulant rassurant. 

–Salut ma grande! Je suis l’inspectrice Dussel! Mais, tu peux m’appeler Jeanne. 

Je lui répondis de la manière la plus banale qui soit, avec un signe de la main. Elle me tendit un bonbon à la menthe que je me m’empressai d’engloutir pour essayer d’atténuer le goût acide du vomi. Elle s’assit à mes côtés et me frotta le dos chaleureusement. 

–J’ai quelques petites questions à te poser… tu n’es pas obligée d’y répondre si tu ne te sens pas bien. OK?

Je répondis par l’affirmative laissant fondre la sucrerie dans ma bouche. Elle passa plus de 30 minutes à me questionner sur le déroulement de l’épisode, sur les activités que nous avions faites depuis la dernière semaine et même sur le comportement de mes parents. Elle avait le culot de me poser des questions en rapport à l’alibi de mes parents.

–Bon, j’ai terminé! On se reverra, j’imagine! a-t-elle ajouté se relevant. 

–Bonne soirée. Ai-je répondu d’un ton plus sec que je ne l’aurais voulu. 

Elle m’ébouriffa les cheveux avant de repartir à la rencontre de ses collègues pour faire son topo. Papa avança l’air soucieux. Ses yeux étaient rentrés dans leurs orbites et des rides creusaient son front. 

–Nous dormirons à l’hôtel cette nuit. Tu vas bien? a-t-il demandé. 

-Toi, tu irais bien si tu venais de trouver un cadavre dans ta maison? ai-je répliqué à deux doigts d’exploser.

–Je suis désolé ma grande, je sais que c’est beaucoup pour une adolescente. 

–Alors, s’il te plaît, arrête de me poser des questions auxquelles tu as déjà les réponses, ai-je dit en remarquant que de nouvelles larmes coulaient le long de mes joues. 

Mon visage était brûlant et mon corps devenait de plus en plus mou. Je me rappelle que la dernière chose que j’ai entendue était le cri affolé de mon père. 

Je me suis réveillée dans un espace blanc, des odeurs de désinfectant me parvenaient et des bruits de machine et de pas résonnaient dans ma tête. Je me suis retournée face à une grande fenêtre. Il faisait noir dehors. Un tube reliait mon bras à un soluté. Mon corps était étendu sur un lit qui n’était pas le mien. Les couvertures étaient blanches et de fines lignes bleues les parcouraient. J’ai tenté un premier mouvement, mauvaise idée. J’ai grimacé face à une douleur vive au crâne. Maman s’est approchée de moi avec une infinie douceur. 

–Alicia, nous sommes à l’hôpital, tu vas bien mon coeur. C’est fini, a-t-elle dit en frottant ma tête ce qui m’a décroché un autre rictus de douleur. 

Pascal s’est avancé dans un fauteuil roulant. Quoi? Déjà? Il n’était censé en avoir un que dans 1 an! Maman a dû voir l’inquiétude dans mon regard, car elle me donna une explication.

–C’est très étrange, je sais. Mais, lorsque tu t’es évanouie, Pascal a recommencé à hurler, ses jambes sont devenues instables et il a perdu pied. Il aurait pu se fendre le crâne sur une des voitures de police, tu sais? Mais l’inspecteur en chef qui lui expliquait comment fonctionne une automobile l’a rattrapée juste à temps. Il n’a pas pu se remettre debout, a-t-elle dit resserrant sa main sur la mienne. À l’hôpital, les médecins ont conclu que son état avait empiré deux fois plus vite que la moyenne. Maintenant, il ne quittera plus sa chaise roulante. Bientôt, même ses bras deviendront instables. Mais, il ne faut pas voir le pire avant qu’il ne soit arrivé, ma chérie. 

–Où est papa? 

–Il s’occupe des papiers à signer concernant le traitement de Pascal. 

–T’as vu Ali? T’as vu comme il est beau mon fauteuil! a dit mon frère en observant par la même occasion son nouveau moyen de transport.

C’était comme offrir un vélo à un petit garçon. Mais Pascal ne pourra jamais dire : «Regarde papa! Je pédale sans les petites roues!» Je pris la main de mon frère et le regarda dans les yeux en lui disant ceci :

–Tu es un vrai grand garçon! 

–Je vais voir votre père, a dit maman, ne bougez pas! 

Après avoir bu une gorgée de jus de pomme, mon frère commença à parler de tout et de rien.

–Mes copains à l’école, ils vont me conduire jusqu’à la classe, c’est ce que le docteur a dit. Je vais pouvoir m’inscrire à des courses de chaises roulantes! Et puis, demain, papa a dit qu’on mangerait de la pizza! C’est bon la pizza! (autre gorgée de jus) Ah aussi, Marie m’a dit de te dire ça, elle va revenir! C’est cool non! Marie, c’est ma meilleure amie! 

–C’est qui Marie? ai-je demandé intriguée de savoir que Pascal était peut-être amoureux.

–Mon amie! Je viens de te le dire! 

–Et tu aimes bien Marie, je veux dire, c’est ta petite amie? Vous vous tenez la main? lui ai-je demandé.

–Beurk! Non, Marie est bien trop vieille! 

–Eh bien, elle a quel âge pour être SI vieille?

–Je ne sais même pas, je dirais 80 ans…

–Quoi? Elle ne va pas à ton école? 

–Ben non! On se voit le soir dans ma chambre, elle me parle. Mais je ne l’entends pas comme je t’entends toi, c’est plus par la pensée. La première fois qu’on s’est parlé, c’est dans la voiture, tu sais quand j’ai crié, elle a comme pénétré dans mon esprit! C’était devant la cabane, en même temps c’est normal, car tu sais comment on l’appelle… 

Je n’ai même pas osé répondre, j’étais trop secouée par les confessions de mon frère. Il a continué sans remarquer que je tremblais.

–Elle s’appelle Marie, mais son surnom, c’est la dame de la cabane. 

En entendant ceci, je me suis à nouveau évanouie, plongeant dans le noir le plus total…

À suivre…

 

Mélia Pelletier Mont Notre-Dame