Comment déplacer la lune 3

Angélique Turcotte, Mont Notre-Dame 14 février 2021

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Durant ce texte, un faux film est nommé «La tragédie des Conrad»

Prendre le noyau de mars

Cher journal,

Depuis quelques jours, j’écoute en boucle la chanson « Cent mille façons de tuer un homme » de Félix Leclerc même si la chanson n’a rien à voir avec le travail de ma famille, car celui-ci est plus machiavélique. Un point de comparaison entre ma famille et la chanson est que celle-ci est populaire et que tout le monde la connaît, tandis que le travail de ma famille, lui, est totalement plongé dans le secret, complètement enfoncé dans le mensonge.

Pendant que je l’écoute, je pense toujours à mon film préféré, «La tragédie des Conrad». L’histoire d’une petite fille et son frère déficient qui décident d’aller à la plage, pendant une journée grise, car personne n’y serait. Tous les deux occupés à leurs jeux, ils ne voient pas la fumée sortir de leur quartier. Deux heures plus tard, les deux enfants retournent chez eux et constatent que le beau palais de leur enfance est parti en fumée; plus rien. Les deux enfants partent donc vivre avec une tante lointaine, qui leur impose les pires tâches ménagères. Ils n’ont pas le droit de dormir tant que le château n’est pas propre comme un sou neuf : il fallait voir son reflet dans les murs. Le premier jour des enfants chez leur tante, cette dernière leur a dit : « Tant que mes murs ne seront pas des miroirs, tant que mon carrelage ne sera pas ciré pour ressembler à de nouvelles chaussures de cuir, tant que la cuisine ne sera pas vidée et nettoyée pour qu’il ne reste plus rien, tant que toutes les pièces ne seront pas comme je le souhaite, vous n’aurez ni nourriture et vous ne dormirez pas. Et si vous résistez et finissez tout ça, je vous donnerai peut-être un lit et de la nourriture pour vivre. » À la fin, les enfants ont fini par avoir un lit et un minimum de nourriture. Ce soir-là, les enfants étaient plus qu’heureux. Quand ils sont allés se coucher, ils dormirent comme des bébés, mais au beau milieu de la nuit, les deux enfants mourut d’un arrêt cardiaque dû à l’activité procurée sans avoir mangé ni dormi.

Éplucher le noyau de mars

Quand j’écoute cette chanson, je ne pense pas à l’histoire entière, mais plus à la peine que ça me procure de savoir que cette histoire est tirée d’une histoire vraie. Vous pouvez très bien taper «La tragédie des Conrad» dans la barre de recherche Google, vous trouverez des photos des Conrad, de leur maison et de leur tante. Je croyais que les abominations de la vie ne me toucheraient pas si je restais avec ma famille, mais je me trompais. C’était en restant avec ma famille que les abominations de la vie me toucheraient et plus que la famille Conrad, parce que depuis quelques heures, quand j’écoutais ma musique, je voyais du coin de l’œil une silhouette, une grande silhouette noire qui me fixe à travers mes fenêtres. À chaque fois que je la vois, je fais comme si de rien était et puis je fais semblant d’entendre mon nom dans la cuisine et je pars. Sauf que tout à l’heure, pendant que je faisais une sieste, j’ai senti quelque chose de froid sur ma joue, je me suis réveillée et j’ai vu la lame d’un couteau glisser sur ma joue et une ombre. LA silhouette me regardait, mais la seule différence c’est que cette fois je voyais son visage qui démontrait une expression comme s’il voulait me manger. 

-La prochaine fois que tu écoutes ce film, je te tue, et pour de vrai. Ne parle à personne de ce film parce que je le saurais et tes parents perdront tout! dit-elle pour ensuite partir aussitôt de ma chambre.

Et je me rendis compte que dans trois heures seulement, le meurtre de minuit aurait eu lieu.

Angélique Turcotte Mont Notre-Dame