La dame de la cabane (partie 2)

Mélia Pelletier, Mont Notre-Dame 29 janvier 2021

Lire la partie 1 de cette histoire

Note : Si vous n’aimez pas les histoires d’horreur, je vous déconseille fortement de lire cet article. 

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Je regardais approcher le camion de déménagement dans la cour de gravier. La poussière du sol se faisait soulever par le lourd moteur. Après avoir dormis aussi mal, j’étais courbaturée du dos et peinait à garder les yeux ouverts. Maman prenait un café filtre accoté sur la barrière du perron. Les yeux rivés vers l’énorme véhicule à dix roues. Papa sortit un diable entreposé dans le rangement. Il savait bien que les déménageurs en avaient au moins 20, mais il tenait à prouver à ses gars baraqués qu’il avait encore de la valeur même à 50 ans. M’attachant mollement les cheveux, je descendis dans le massif escalier. J’allai rejoindre ma mère dehors. En me voyant arriver, elle me présenta son plus beau sourire. Ses yeux aussi cernés que les miens me firent penser que je n’étais pas la seule à avoir passé une nuit blanche. Elle m’embrassa sur la joue et je lui demandai à la blague un café. Elle pouffa avant d’aller verser le reste du contenu de sa tasse dans l’évier de la cuisine. Elle revint vers moi et me dit en bâillant:

-C’est bien beau la campagne et le mode de vie plus rustique, mais il me manque un café de chez Starbucks.

-Oui, mais la maison est belle! répondis-je en m’asseyant sur une des énormes chaises de patio.

-Bon, en attendant que les déménageurs préparent le camion, tu veux bien m’aider à faire le petit déjeuner?

C’était plus un ordre qu’une question, alors je mis tous mes efforts pour me lever de l’assise en bois. J’entrai dans la cuisine. Ma mère s’affairait déjà à préparer des oeufs avec les poêles disponibles qu’elle avait entreposées dans une des boîtes de la voiture. Je sortis le pain quand j’entendis un bruit à l’étage.

-M’man? Pascal n’est pas levé? 

-Non, pas encore…pourquoi?

-J’entends des bruits à l’étage.

Ma mère leva les yeux au plafond avant de monter au deuxième, aider mon frère à se lever de son matelas. Pendant que le déjeuner cuisait devant mes yeux, par la fenêtre donnant sur une épaisse forêt, j’entrevis un mouvement de feuille. Probablement un animal ou le vent. Mais, un autre mouvement sur la droite me fit changer d’avis, puisque c’était un bras! Je sortis dans la cour, sur mes gardes, à pas de loup. Le souffle court, je pris un bâton accoté sur le muret de pierres. Ce petit mur contournait toute la propriété, de façon à ce que les inconnus et les animaux ne puissent pas entrer. Alors, comment, j’avais pu voir un bras dans les buissons? Je commençai à m’enfoncer dans le bois fourni. Les branches tombées craquaient au contact de mes pieds chaussés de sandales trop grandes. Puis, j’entendis LE bruit de trop. Un genre de déchirure suivi d’un juron.

Je me mis à courir le plus vite que je le pouvais. Les branches me  fouettèrent le visage. Quand une main robuste m’attrapa de bras, je me dis que mon heure était sonnée! Puis, la poigne de fer me retourna. J’attendis un coup de grâce qui ne vint pas. J’ouvris mes yeux le coeur battant. Encore sous le choc, je repris mon bâton et asséna un bon coup à mon poursuivant, juste sur l’épaule. Un autre juron. Il souleva la manche de son chandail pour voir ce que je lui avais fait subir. Un rond bleuté se formait déjà sur son épaule gauche. Je le regardai enfin dans les yeux. Les siens étaient d’un bleu perçant. Il avait de longs cheveux noirs qui étaient retenus par un bandana. Il portait des vêtements simples. Un T-shirt d’un groupe de rock et un jean à trous lâches. Il mâchait une gomme et ses souliers étaient sales. Il faisait probablement trois têtes de plus que moi. Il avait peut-être, 15 ans? Je ne croyais plus que c’était un criminel, mais… une fouine. Oh que si! 

-Pourquoi tu m’as frappé? 

-Puisque tu es chez MOI!

-Quoi? Mais non! Ici, c’est chez mon grand-père! 

-Pfff, même pas vrai! Nous avons acheté cette maison il y a deux semaines! Avec inspection et dans la loi! Puis, ce n’est pas un vieux monsieur qui nous l’a vendue, c’est une femme dans la trentaine qui dit qu’elle voulait se libérer d’une charge de travail! 

-Hein??? Mon grand-père s’appelle Henri Nolet! Il vit ici depuis qu’il est né! 

-Alors, pourquoi tu n’es pas venu le voir hier? 

-Car je reviens juste d’un voyage d’un mois! Je venais le voir, je suis arrivé ici hier! 

-N’importe quoi! Je ne dirai rien à mes parents! Mais si tu reviens ici encore, mon père appellera la police! OK? 

-OK! Mais toi aussi tu vas avoir de mes nouvelles!

 

J’allais argumenter quand mon père cria mon nom! J’accourus et lâcha mon bâton avant d’entrer dans la maison. 

-Tu as laissé le feu ouvert! Tu aurais pu incendier la maison! Bon sang, mais où étais-tu? Dis mon père en me lançant un regard noir.

Le déjeuner! Au mon dieu, à cause de… j’avais même oublié de lui demander son nom! 

-Je suis sincèrement désolée, p’pa! 

-Tu ne peux pas toujours être désolée, Alicia, un jour tu devras prendre des responsabilités. Bon, maintenant, amène tes fesses maman a préparé des bols de céréales et ensuite, on commencera à faire entrer nos meubles dans notre nouvelle demeure.

En mangeant mes céréales trop molles, je pensais au garçon qui était entré chez nous d’une façon totalement inconnue. Il était un menteur c’était l’évidence même… Son histoire de grand-père et de voyage ne pourrait flouer le plus idiot de la Terre. Il cherchait sûrement un projet me dis-je, dans ce village perdu. Il voulait nous espionner ou à coup sûr nous voler. Pfff, il se pense malin, qu’il revienne! Maman et papa commencèrent à faire entrer des boîtes dans la maison. Pascal, lui, jouait avec ses figurines Avengers sur la céramique de la cuisine. C’était dans ces instants que je me demandais comment un garçon si frêle et innocent pouvait endurer une telle souffrance tous les jours. Il me sourit gaiement et retomba dans son univers en faisant des bruits de bombe avec sa bouche. Parfois, il inventait des dialogues, peu cohérents, mais c’était merveilleux de voir un être cher s’amuser. Ma mère m’appela en demandant à Pascal de rester calme et d’aller dans le salon. Il obéit et chancelant, il s’assit cette fois sur un parquet ciré de bois. 

-Allez, vient ma chérie, tu t’occupes de ta chambre et celle de ton frère! 

Ce projet avait l’air amusant. J’avais toujours aimé faire du design intérieur. Puis, cela m’occuperait l’esprit. J’entrepris d’aller chercher des boîtes dans le camion. Celles où il était inscrit: Chambre Pascal ou Chambre Alicia. Je les prenais et les entreposais dans nos chambres respectives. Pendant ce temps, maman nettoyait la cuisine et les salles de bains, papa rentrait de nombreuses boîtes et les déménageurs, les meubles. En rentrant un carton dans la chambre de mon frère, je réalisai que les fenêtres et les vitres étaient très sales. Je descendis au rez-de-chaussée et demandai un linge humide à ma mère. 

-Nous ne les avons pas encore sortis, me répondit-elle. Mais j’y pense. L’ancienne propriétaire à laisser pleins de choses dans le grenier. Peut-être tu en trouveras un. 

-Où est-il? répondis-je.

-Il y a une petite échelle dans le garde-robe de ton frère, quand tu y seras, pousse la trappe. Elle n’est pas très lourde! 

Je hochai de la tête. C’était la première fois que j’irais dans un grenier. Mon ancien n’en était pas un vrai comme l’on voit dans les films. Je trouvai l’échelle, elle était poussiéreuse. Je montai dans celle-ci et poussai la trappe. À l’intérieur, c’était tout en bois. Seule une lucarne laissait entrer de la lumière. J’entrepris de trouver ce que je cherchais. Il y avait tout un bric-à-brac là dedans. À tâtons, je tombai sur une énorme bâche. En dessous, il y avait sûrement des bacs contenant ce que je cherchais me dis-je… 

Quand je soulevai l’énorme bout de tissu, mon coeur se souleva, je vomis à côté du triste spectacle s’offrant à mes yeux. Devant moi se trouvait un corps inerte, un cadavre. Un homme aux cheveux gris et à la bouche ouverte me fixait, sans vie. Un pieu de métal planter dans son abdomen laissait paraître un ruissellement de sang au bord de sa bouche. 

Devant moi se tenait Henri Nolet, le soi-disant grand-père de l’histoire du garçon… 

À suivre…

Mélia Pelletier Mont Notre-Dame