La dame de la cabane…

Mélia Pelletier, Mont Notre-Dame 21 janvier 2021

Pour cet article, une autre journaliste du M m’a donné l’idée d’écrire une courte histoire en plusieurs parties. Il s’agit d’une histoire d’horreur, mais je ne vous en dis pas plus… J’espère que vous aimerez ce conte d’épouvante, même si ce n’est plus l’Halloween! Bonne lecture…

P.S. : les éléments de cette histoire ne font pas du tout référence à ma vie ou à celle d’une connaissance.

La route interminable défilait devant mes yeux. Depuis une heure, Pascal hurlait. Pas parce qu’il était furieux ou triste, juste parce que c’était Pascal. Mon petit frère de 5 ans était atteint d’une myopathie de Duchenne. Il l’avait développée à 3 ans. Cela avait régressé tous ses muscles. Il avait de plus en plus de mal à marcher et il tombait souvent. Les médecins craignaient que bientôt il aurait besoin d’un fauteuil roulant. Personne n’y pouvait rien… c’était comme ça. «Il avait mal, disaient toujours les experts, pas nécessairement physiquement, mais mentalement». Un petit garçon de cet âge a besoin de courir et de bouger. Maman lui chantait des chansons douces pour essayer de le calmer, mais… même avec la voix la plus apaisante du monde, on ne peut échapper à son destin… et mon destin,  j’allais bientôt le connaître…

Les dizaines de cartons installés à l’arrière de la voiture rebondissaient à chaque nid de poule rencontré sur cette route de campagne qui datait probablement des années 50. Papa avait eu la brillante  idée de venir s’installer dans un coin perdu au fin fond du Québec. Il l’avait soi-disant fait pour s’éloigner de la ville et surtout pour procurer un meilleur environnement à Pascal. J’écoutais pour la millième fois le même album de musique country que contenait mon iPod. Mes parents pensaient qu’avoir un iPhone comme une adolescente normale de 13 ans ce n’était pas correct. Que tout ça brûlait mes neurones et que je deviendrais TOTALEMENT accro à ce genre de truc… Il était 18 h quand papa décida enfin de s’arrêter pour manger. Après 40 minutes à essayer de trouver une petite cantine, une minuscule bâtisse en décrépitude se dressa devant nous. Pascal s’écria soudainement :

-La Madame! La Madame! Elle est là! J’ai faim! La Madame!

Mon père regarda vers le bâtiment d’un œil aiguisé. Je scrutais moi aussi attentivement les environs sans toutefois ne rien voir. Ma mère regarda mon père d’un air suppliant. Les yeux remplis de larmes, elle se tourna vers la banquette arrière de la voiture où mon petit frère criait. 

-Qu’y a-t-il mon loup? Il n’y a personne dehors! 

-Elle veut se libérer! hurla Pascal en se mettant les mains sur la tête et en frappant des pieds sur l’avant de son siège

-Qui? demanda doucement mon père en frottant le bras de ma mère à deux doigts d’éclater en sanglots.

Sans arrêter sa plainte douloureuse, Pascal pointa une des fenêtres de la cabane. Maman débarqua de la voiture pour aller chercher son fils. Mon père lui décida d’explorer les environs pour voir d’où provenait cette histoire. Moi, je restai assise, les fesses bien collées dans mon siège, le regard rivé sur le minuscule baraquement où mon père s’aventurait. Maman tenait mon frère dans ses bras et sanglotait silencieusement. Dix minutes plus tard, alors que mon petit frère s’était calmé, il fut décidé que je me placerais aux côtés de mon papa pour le reste du voyage. Pour que ma mère puisse rester avec Pascal sur le siège arrière.

Le reste du trajet se fit dans le plus grand calme. Mon père conduisait les yeux rivés sur la route. Pascal s’était endormi et maman lui flattait doucement les cheveux. Papa n’avait finalement rien trouvé de suspect près de la cabane. Mais moi, je restais songeuse… Vers 20 h, nous arrivâmes devant une magnifique maison de campagne. Les lattes de bois jaunes brillantes et la pierre vernie qui ornaient la maison me firent penser qu’elle avait été rénovée récemment. Une grande galerie s’étendait sur toute la façade avant. Des chaises de patio y étaient soigneusement disposées. Pascal dormait à poings fermés dans les bras de maman qui avait l’air d’avoir retrouvé sa bonne humeur. Mon père déverrouilla la porte pour que nous puissions explorer l’intérieur du logis. Il alluma la lumière et je vis une magnifique cuisine se dresser devant moi. À gauche, un salon avec une énorme cheminée en pierre taillée et une grande salle à manger aménagée. Le rez-de-chaussée était constitué d’une salle de bain et d’une grande verrière en vitre. Un escalier en bois massif permettait d’accéder au deuxième étage. Là-haut, trois grandes chambres ainsi qu’une autre salle de bain avaient été construites. Ma chambre était jaune et blanche. Celle de Pascal était verte. Pour la chambre principale, elle était peinte en gris pâle. Il fut convenu que nous dormirions dans des sacs de couchage préparés à l’avance, puisqu’il était tard et que le camion de déménagement ne serait là que dans la matinée le lendemain. Je me couchai l’esprit embrouillé repensant à la scène de mon frère. Mon père cogna à la porte et d’un raclement de la gorge je lui fis signe d’entrer.

-Bonne nuit Alicia! Je t’aime! 

-Bonne nuit p’pa! 

Il  m’embrassa sur le front et quitta la pièce plongée dans le noir.

Je me tournai et me retournai sans cesse sur le petit matelas gonflable qui menaçait d’éclater au moindre mouvement. Dès que je fermais les yeux, la scène réapparaissait dans mon esprit: la cabane, la forêt, les cris de mon frère… Je prenais tous les trucs pour m’endormir, je respirais bruyamment, je relaxais tous mes muscles, rien n’y faisait. Toute cette histoire inventée dans l’imagination débordante de Pascal me faisait perdre la tête. À moins que… cette histoire ne soit pas issue de l’imagination de mon frère qu’elle soit issue du pire cauchemar et… de la réalité.

 

À suivre…  

Mélia Pelletier Mont Notre-Dame