La dame de la cabane (partie 5)

Mélia Pelletier, Mont Notre-Dame 14 avril 2021

As-tu lu la partie 4 de l’histoire « La dame de la cabane »?

Ce soir, nous allions dormir à l’hôtel. La maison était occupée par une équipe de policiers et le coroner étudiait avec soin notre nouvelle demeure. Demain, nous passerions probablement la journée au poste de police. Papa et maman avaient commencé un débat sur le fait de partir de cette maison dans laquelle nous n’avions eu que des problèmes. Ma mère voulait partir à tout prix. Papa l’écoutait, mais je voyais bien que toute cette histoire réglée, il ne penserait plus au fait qu’un cadavre ait été retrouvé dans notre grenier. Il était trois heures du matin. Je faisais semblant de dormir, mais j’en étais incapable. La voiture était submergée dans l’obscurité et il tombait des cordes dehors. J’étais terrifiée, mais chaque fois que je plaçais un mot sur mon prétendu cauchemar, mes parents me rassuraient sur le fait que cette scène n’était due qu’à mon imagination. Pascal semblait triste. Il ne pleurait ni ne criait. Mais, il ne parlait pas, ce qui n’arrivait que lorsqu’il était en colère ou triste. Il regardait par la vitre de la voiture sans bouger. Ma mère finit par s’endormir. L’hôtel que nous avions réservé était en ville. À environ une heure du petit hôpital où nous nous trouvions avant qu’on me donne mon congé. Alors que nous roulions depuis quinze minutes, papa lâcha un juron, ce qui n’arrivait jamais lorsque nous étions en sa présence. Il prit la sortie la plus proche. 

-Nous n’avons presque plus d’essence, chuchota-t-il 

Il se retourna vers nous et j’ouvris les yeux. Il me regarda affectueusement et dit:

-Désolé les cocos, on doit faire un arrêt! 

Nous arrivâmes alors devant une station-service éclairée par de nombreux néons. Papa descendit de l’auto et maman se réveilla. Elle regarda autour d’elle pour comprendre où nous étions. Elle toucha la cuisse de Pascal et demanda d’une voix douce. 

-Si quelqu’un veut aller aux toilettes, c’est maintenant. 

-Moi j’ai envie! dit mon petit frère.

-D’accord, toi Alicia? 

-Non non ai-je répondu, allez-y! 

-OK, papa est dehors si tu as besoin. 

Ils débarquèrent donc du véhicule et marchèrent vers le bâtiment. Je me calai dans mon siège pour essayer de trouver le sommeil. Marie n’était pas revenue. J’en étais venue à la conclusion que tous ces événements n’étaient dus qu’au hasard et que je les avais collés ensemble pour me faire une réalité. Après le coupable du meurtre trouvé, je pourrais reprendre ma vie normalement dans une ville normale avec ma famille pas si normale que ça. C’est alors que tout devint flou autour de moi et mes yeux se posèrent sur une magnifique maison. Je voulus tourner la tête, mais lorsque ça ne fonctionna pas, je compris que je n’étais plus dans mon corps. Je marchai vers la demeure et j’entrai, comme si j’avais déjà vécu ici. Je montai l’escalier massif et arrivai devant une porte. Je la poussai. J’entrai alors dans une magnifique chambre des années 50 . Il y avait au mur une tapisserie à fleurs jaunes et une literie dans les mêmes teintes. À ma droite, il y avait une large fenêtre et juste en dessous, une banquette. Une longue penderie longea le mur gauche et en face de moi, un miroir et une maquilleuse. Sans le vouloir, j’avançai vers celle-ci. Je me postai devant la glace et je ne vis pas mon visage. Je vis le visage d’une jeune femme d’environ 16 ans, aux cheveux de jais, aux yeux noirs perçants et au sourire scintillant. Je pris une brosse et peignai ma longue chevelure tout en fredonnant un air joyeux. Je me sentais légère alors que quelques secondes plus tôt, un poids de géant pesait sur mes épaules. J’enfilai une robe à fleur set des ballerines brillantes. Je mis un serre-tête violet et pris un sac à main jaune. Je sortis de la maison et une femme dans la quarantaine m’accosta. D’une voix mature, je répondis que j’allais revenir dans environ une heure. Je pris alors une vieille bicyclette et je passai devant une autre belle maison. Il s’agissait en fait de la maison dans laquelle nous avions déménagé il y a peu. La demeure avait changé, mais la structure était toujours la même. Je m’engageai alors sur un petit chemin de gravier, toujours avec un léger sourire flottant sur mes lèvres. J’arrivai devant un étrange bâtiment. Je le connaissais, mais je ne savais pas pourquoi. Un groupe de cinq jeunes parlaient devant l’entrée. L’un d’eux se retourna soudainement et s’approcha de moi. Il était grand et musclé. Ses cheveux étaient blonds et bien coiffés. Tout pour croire qu’il venait d’un milieu aisé. Alors que je m’arrêtai, le jeune homme s’approcha de moi et j’eus un mouvement de recul involontaire lorsqu’il se pencha sur moi pour m’embrasser sur la joue. Bien sûr, je n’avais pas la maîtrise de mon corps. Nous sommes alors rentrés dans la grande cabane qui était peut-être autrefois un entrepôt. Les jeunes se sont mis à boire et nous nous sommes tous assis sur de grands canapés poussiéreux. La conversation était trouble, je n’arrivais pas à comprendre de quoi ils parlaient. Comme un souvenir où on se souvient seulement des moments marquants. Puis, j’ai subitement eu envie d’aller aux toilettes. Je me suis levée  et j’ai averti les autres. Je connaissais le chemin, mon nouveau corps me conduisit vers une petite pièce peu illuminée. Je me suis enfermée dans celle-ci. Je me lavais les mains lorsque j’entendis un cri aigu. Et un rire nerveux. Deux minutes plus tard, plus rien. Alors que l’angoisse me prit subitement, je sentis une odeur étrange. Une odeur de brûlé. J’essayais d’ouvrir la porte. Impossible, elle était coincée. Je savais au plus profond de moi que j’étais toujours dans le corps d’Alicia, sur la banquette arrière de ma voiture, mais des larmes commencèrent à glisser sur mes joues. J’étais triste, mais je ne savais pas pourquoi. Ma nouvelle forme commença alors à taper avec ses mains sur la porte. Elle criait sans arrêt la même chose:

-HENRI! HENRI! AIDE-MOI! JE SUIS PRISE! JE VEUX ME LIBÉRER! HENRI! IL Y A LE FEU! 

Mais au fond de moi, pour je ne sais quelle raison, je savais que le groupe de jeunes de tantôt avait déserté oubliant la jeune femme ici. 

La fumée se répandait par le dessous de la porte. 

-OH MON DIEU! HENRI! VA CHERCHER LES POMPIERS! 

La fumée et deux minutes plus tard les flammes. J’avais de plus en plus de mal à respirer et la chaleur me brûlait les cuisses. Les larmes se mêlaient à la morve et la bave sur mon visage. Mes mains étaient meurtries après tant d’efforts. Je savais que je mourrais, en fait pas moi, elle. 

-Pourquoi es-tu partie? Je croyais qu’on s’aimait! murmurai-je. 

Les flammes étaient sans conteste la pire douleur que j’aie connue de toute ma vie. 

-JE VAIS ME VENGER! JE VAIS ME VENGER DE VOUS CINQ! Ginette Beaulieu! Jean Couture! Anna-Louise Richard! Cécile Laplante! Mais surtout, surtout HENRI NOLET! 

Et dans un dernier cri de douleur et de rage, mon corps tomba au sol et je revins dans le monde réel. 

Je dormais , puis j’ouvris les yeux. Mon petit frère regardait encore par la fenêtre et ma mère conduisait maintenant. J’eus soudain conscience que mon cauchemar n’en était pas un. Marie avait réellement pénétré mon esprit et il était clair que la vision que j’avais eue venait d’elle. J’avais vécu sa mort. Elle allait se venger de cinq personnes. Henri était déjà mort. Mais comment aurait-elle pu le tuer? Pascal se tourna alors vers moi et il me dit assez bas pour que mes parents ne l’entendent pas.

-Tu l’as vue toi aussi, sa mort?

-Oui. ai-je murmuré. 

-Ne t’en fais pas, elle se sert juste de toi une fois, pour une victime. 

-Quoi? ai-je répondu, incrédule.

-Oui, elle viendra te voir demain soir, elle s’occupe d’attirer la personne et toi, tu t’occupes de la tuer. 

-Pascal, tu, tu n’as pas vraiment… 

J’ai regardé en avant, mon père dormait et ma mère ne savait même pas je m’étais réveillée.

-Tu n’as pas vraiment tué Henri Nolet? 

-Si, elle me l’a demandé et puis c’est la seule façon pour qu’elle soit en paix, tu te rappelles? Elle les a maudits tous les cinq. 

Je ne répondis même pas. 

-Elle le fait pour les bonnes raisons! 

-Non Pascal, je ne tuerai PERSONNE! Tu m’entends? Et toi, tu vas faire quoi? 

-Premièrement, tu n’auras pas le choix vu qu’elle contrôle ton corps. Deuxièmement, t’en fais pas, après qu’elle ait tué une victime, elle efface toutes les preuves

-NON! 

Maman se retourna alors vivement et dit :

-Les enfants, on arrive bientôt alors s’il vous plaît CALMEZ-VOUS! 

-Désolé maman, répondit Pascal piteux 

-Et toi Ali? 

Je me contentai de sourire à maman. Après tout ce que nous avions vécu, elle comprit et retourna à sa route. 

Pascal ne me parlait plus. Je ne verrais plus jamais mon frère de la même façon, je savais bien qu’il n’avait pas délibérément voulu tuer une personne, mais le fait qu’il le prenne avec autant de légèreté me brisait le coeur. Je savais également que bientôt, ce serait mon tour d’accomplir le sale boulot pour Marie aussi triste son histoire soit-elle. Je devais être prête. Je n’aurai pas de seconde chance et je devais à tout prix protéger les victimes qu’elle avait prévu de tuer, mais également de posséder. Maintenant que les dés étaient jetés, mon temps pour sauver des vies était compté. 

Ce serait Marie ou moi et je savais qu’elle, était prête à tout pour gagner la partie. 

À suivre…

Mélia Pelletier Mont Notre-Dame