Société Vie scolaire

Ministre Bibeau: un modèle pour les filles du Mont

Isabela Restrepo, Finissante du Mont Notre-Dame 20 février 2018

En collaboration avec Rosalie Brazeau et Mégan Destremps

Le 15 janvier dernier, dans le cadre du projet personnel de Maria Sevillano, nous avons reçu la visite de l’Honorable Marie-Claude Bibeau, ministre de la francophonie et du développement international ainsi que députée de Compton-Stansted. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions sur elle ainsi que la vie en politique.

MéganAprès vos études, comment avez-vous réussi à percer dans le domaine politique?

Je reviens encore sur ton engagement dans ta communauté, c’est vraiment ça qui est le coeur. Devenir ministre, c’était vraiment inespéré. Je n’avais jamais vraiment été libérale, je n’avais jamais eu ma carte de membre avant d’aller en élections. C’est sûr que le fait que Justin Trudeau ait décidé d’avoir un conseil des ministre moitié-moitié hommes et femmes et qu’il ait décidé d’avoir une distribution régionale, cela a jouer en ma faveur. Ceci étant dit, je pense que c’est la réputation que tu bâtis. Je crois qu’en campagne électorale, on a été évalués. Son équipe regardait comment on travaillait puis elle nous a fait faire une grosse enquête. Même avant d’aller en élections, on nous fait passer une grosse enquête et, pour devenir ministre, on repasse une grosse enquête qu’on appelle la coloscopie alors vous comprenez à quel point c’était sympathique. On essaye de voir si on va causer des problèmes au gouvernement, si on doit de l’argent, etc. C’est de très grosses enquêtes.

Mégan: Pourriez-vous nous décrire un peu en quoi consiste une journée de travail habituelle en tant que ministre du Développement international et de la Francophonie?

On est supposé rester au moins une semaine dans notre comté, mais on voyage beaucoup. J’ai donc un appartement à Ottawa puisque j’y passe environ trois semaines. Donc, la quatrième semaine se fait principalement dans notre comté.  J’essaye de venir au moins trois fins de semaine par mois à Sherbrooke et j’essaye de garder une journée de congé par semaine. Alors, une journée standard à Ottawa, ça commence à 5 h avec la lecture des journaux et des revues de presse pour voir ce qui s’est passé dans le monde et sur quoi je risque de me faire poser des questions quand je vais entrer au parlement! Et puis on a différents types de réunions avec des partenaires, le conseil des ministres ou encore avec le caucus, comme par exemple, le mercredi où se fait le caucus du Québec. Puis, de 10 h à midi, c’est le caucus national avec les ministres et Justin Trudeau. La période de questions, c’est tous les jours de 14 h à 15 h. Cette partie de la journée est toujours obligatoire, puis quand on est absents car on voyage, c’est notre secrétaire parlementaire qui répond aux questions pour nous, donc un autre député. Ensuite, on a d’autres réunions avec d’autres partenaires ou avec mon ministère pour, par exemple, parler de notre stratégie en Haïti pour les prochaines années, etc. Donc oui, une journée à Ottawa ça ressemble un peu à ça!

Rosalie: Qu’est-ce qui vous a poussé à vous diriger en politique?

Je ne l’avais pas vu venir. Ce n’est pas quelque chose dont je rêvais depuis longtemps. Mon conjoint est l’ancien maire de Sherbrooke, Bernard Sévigny, donc j’étais proche de la politique municipale. Quand je travaillais à la Cité des Rivières, le conseil d’administration avait six conseillers municipaux dont le maire de l’époque, Jean Perrault. J’avais un premier contact avec la politique municipale que je trouvais intéressant, mais à travers tout le bénévolat que je faisais, j’avais l’impression que je devais faire plus pour ma communauté. Il fallait que je passe à une autre étape, que j’aille jouer sur une autre patinoire.

Justin m’a inspirée. J’ai lu son livre. J’ai commencé à en parler à des gens qui étaient plus impliqués en politique, dans le parti libéral. Ils  m’ont dit: «Marie-Claude, si tu y vas, on est avec toi. On va t’aider. On va t’appuyer.» Mais ils me disaient ça parce qu’ils me connaissaient, parce qu’on avait fait du bénévolat ensemble, on avait siégé sur des comités ensemble, ils m’avaient vu travailler. Je n’ai jamais fait du bénévolat en me disant: «Je vais avoir besoin de ces gens-là un jour pour être élue.» C’est plus tard que tu réalises à quel point les expériences passées sont importantes parce qu’on est la somme de nos expériences.

Rosalie: Votre politique féministe met l’accent sur la santé sexuelle et reproductive des femmes, en prônant, entre autres, l’éducation sexuelle et l’accès à la contraception et à l’avortement. Comment comptez-vous introduire cet aspect de votre politique dans des pays qui ont des valeurs plus conservatrices sur ce sujet, notamment à cause de la religion?

Quand j’en parle dans les grandes conférences internationales, je ne mets pas de gants blancs. Quand j’en parle avec les ministres,  on en parle de façon très affirmée, très affichée.

Quand on est sur le terrain dans une communauté plus conservatrice, on va choisir un vocabulaire plus approprié. On va parler de la santé des mères, de la santé de la famille, du sida et, de cette façon, de la contraception. Il faut trouver des façons de l’amener, mais en même temps il faut oser le faire.

Souvent, avec les chefs de communautés, on est capable d’avoir ces discussions-là. Il s’agit d’oser et que ce soit la bonne personne qui le fasse, parce que le but c’est de ne pas frapper une fin de non-recevoir. Chaque partenaire a de l’expérience sur le terrain et c’est pour ça aussi qu’on veut travailler plus avec les organisations locales de femmes, parce qu’elles savent quelles sont les priorités, elles savent c’est quoi la meilleure façon de le communiquer et d’en parler.

Impliquez-vous tout simplement dans ce qui vous passionne que ce soit les sports, les arts, l’immigration, pas seulement la politique.

Sur la scène internationale, là, je parle d’avortement légal et de soins post-avortement. Quand on parle de la santé sexuelle et reproductive, ça commence avec l’éducation des filles et des garçons: tout l’accès à la contraception, la planification des naissances, évidemment la question des accouchements sécuritaires et l’avortement (là où c’est légal; sinon les soins post avortement au moins, là où l’avortement n’est pas légal). Parce que, vous savez, toutes les neuf minutes, il y a une femme ou une fille qui meurt d’un avortement clandestin dans le monde.

Là où il y a l’avortement légal et sécuritaire, et surtout là où il y a l’accès à la planification des naissances et à la contraception, il y a moins d’avortements. Ce qu’on veut au bout du compte, c’est moins d’avortements et surtout moins d’avortements clandestins. Si on peut faire de la planification et de l’éducation, on va avoir moins de grossesses non-désirées et donc moins d’avortements. Il faut faire attention, on ne fait pas la promotion de l’avortement; on veut éviter des grossesses non désirées, entre autres, pour que les filles restent à l’école.

Isabela: Quels conseil donnez-vous aux jeunes filles voulant s’impliquer en politique, que ce soit dans leur communauté ou au pays?

 

Politiquement, choisissez le parti qui rejoint le plus vos valeurs et manifestez-vous auprès de l’association (que ce soit député ou un autre parti, on a tous une association qui travaille sur le terrain). Impliquez-vous dans le conseil jeunesse, par exemple, c’est une belle opportunité. Il y a aussi des élections trois ans sur quatre (municipal, provincial, fédéral), alors participez! Manifestez-vous auprès des organisations! Parce que faire de la politique, ce n’est pas seulement le glamour, il faut se “salir les mains”, accrocher les pancartes de parti, faire du porte-à-porte, débattre de nos idées et être sur le terrain pour être proche des gens et comprendre leurs priorités. Donc, faites du bénévolat dans l’organisation qui vous intéresse, ça n’a pas besoin d’être de la politique pure au début. Impliquez-vous tout simplement dans ce qui vous passionne que ce soit les sports, les arts, l’immigration, pas seulement la politique.

Isabela: Dans notre société, le féminisme est souvent associé aux droits LGBT. Sachant que le gouvernement Trudeau s’affiche ouvertement en faveur de ces droits, incluez-vous les personnes de la communauté LGBT dans la nouvelle politique féministe.

De façon générale, le gouvernement fait très attention pour être très inclusif. Le premier ministre a, entre autres, fait des excuses nationales à la communauté LGBT. J’ai eu la chance d’y assister et c’était extrêmement touchant parce que, devant nous, quand il a lu son discours, on pouvait voir qu’il y avait des militaires, des femmes, des hommes et des transgenres présents dans la salle. Ils pleuraient et pleuraient tellement… Ils étaient touchés par les propos et nous pouvions ressentir qu’ils avaient vécu des événements très difficiles dans leur vie et que ces excuses si sincères représentaient un soulagement. Au sein de la communauté internationale, donc lorsque je fais de grands discours sur la scène internationale, je parle toujours pour l’égalité homme-femme et l’importance du women empowerment. Mais on inclut aussi la communauté LGBT. Quand nous finançons des projets pour aider à la bonne gouvernance dans les pays en développement, donc quand on aide ces pays à mettre en place des projets, on va les guider pour que leurs programmes prennent en considération les groupes les plus vulnérables de leur communauté (les femmes les handicapés, les LGBT).  

Merci Mme Bibeau pour cet entretien!

 

Isabela Restrepo Finissante du Mont Notre-Dame