Culture

La Corriveau, une légende du Québec!

Layah Bolduc, Mont Notre-Dame 12 avril 2021

En cette belle journée de novembre 1749, tout le village de Saint-Vallier est réuni sur la Rive-Sud de Québec pour célébrer les noces de Marie-Josephte Corriveau et de Charles Bouchard, qui était très loin de deviner qu’il s’engageait dans une vie bien courte avec sa bien-aimée… Marie-Josephte aimait beaucoup les hommes, mais s’en lassait très vite, jusqu’à même les détester en très peu de temps. Au point de leur faire subir un sort atroce.

Cette union dura onze ans, ce qui permit à la Corriveau de donner naissance à trois enfants: Marie-Angélique, Charles et Marie-Françoise. Un matin, le 17 avril 1760, elle arriva en trombe dans le petit village, les cheveux ébouriffés et l’air hagard. Le curé de la paroisse lui demanda ce qui n’allait pas et elle répondit: 

– C’est Charles, c’est Charles! Aidez-moi mon dieu, aidez-moi!

– Quoi Charles?

-Dans le lit, là, chez nous… Il est mort.

Le curé, le bon docteur, le marchand, le notaire et le banquier n’y virent rien de bon. Selon les paroles de la Corriveau, Charles l’aurait quittée quelques jours plus tôt et serait mort durant la nuit, comme on le racontait sans cesse dans le compté de  Bellechasse. Mais, la rumeur prenait de l’ampleur dans le petit village de Saint-Vallier. D’après certains villageois, Marie-Josephte aurait versé du plomb brûlant dans l’oreille de son mari, durant son sommeil. Selon certaines sources, la jeune veuve souffrait d’une jalousie maladive. Un peu trop libertin à son goût, elle lui aurait fait subir cette mort atroce pour le punir. Mais son mari serait mort, sans même pouvoir se défendre de ce qu’on lui reprochait. 

Malgré les rumeurs, Marie-Josephte épousa, seulement après 15 mois de veuvage, un certain Louis Dodier. Évidemment, cet événement n’allait en rien faire taire les commérages. Trois mois plus tard, Louis Dodier fut retrouvé mort, le crâne défoncé, sous le regard de son cheval.  Mais, cette fois-ci, la jeune femme n’allait pas s’en tirer aussi facilement.

La justice s’en mêla poussant sa détermination jusqu’à faire une autopsie du corps de Bouchard. Le premier époux avait bien succombé à des brûlures causées par du plomb coulé dans la cervelle. À force de fouiller, les enquêteurs se rendirent compte que le crâne de Dodier n’avait pas été fracassé par un sabot de cheval, mais par une pelle à purin en fer. La Corriveau avait laissé la pelle ensanglantée non loin de l’écurie, une grande erreur.

N’oublions pas que nous sommes à l’époque de la Conquête, alors que les habitants de notre pays étaient sous le joug du régime britannique. C’est donc un tribunal militaire britannique qui traita cette affaire. Douze juges officiers anglais furent appelés à rendre un verdict dans cette affaire. 

Marie-Josephte réussit à convaincre son propre père, Joseph Corriveau, de s’avouer coupable de l’assassinat de Dodrier. C’est seulement lors du procès que Joseph fit l’aveu, tel un coup de théâtre. Ainsi, lorsqu’un témoin fut appelé à la barre, Joseph se leva brusquement et interrompit la Cour: «Arrêtez! C’est moi le seul coupable du meurtre de Dodier! Faites-moi ce que vous voulez…». Telles furent les paroles du père Corriveau.

Au couvent des Ursulines, à Québec, le tribunal prononça une sentence qui fit frémir l’auditoire : on condamna Joseph Corriveau à la potence et sa fille à soixante coups de fouet sur le dos nu, puisque sa complicité fut néanmoins mise en cause. Mais ce n’était pas tout. On souhaitait également la marquer au fer rouge d’un M sur la main gauche – sans doute pour désigner «meurtrière »»ou encore «murderer» en anglais.

Ce qui semble confirmer que la Corriveau était une psychopathe tient dans le seul fait qu’elle n’éprouva aucun remords, aucune émotion quand elle entendit son père se sacrifier pour sauver sa peau. Elle demeura de glace. Ou alors était-elle en feu, celui d’un volcan imprévisible et meurtrier ? Mais aucune des sentences prononcées par la Cour ne fut exécutée.

En effet, on s’en doute bien, le père Corriveau vivait très mal avec l’idée de finir ses jours aussi tristement pour un crime qu’il n’avait pas commis. Le confessionnal le poussa à avouer qu’il n’avait rien à voir avec la mort de Dodier. Une fois enfermé derrière les barreaux, les remords le serrant à la gorge, il confia au père Jésuite qu’il n’était pas le coupable. Il dénonça sa fille, en toute bonne foi devant Dieu, il ne pouvait sacrifier son âme comme il souhaitait se sacrifier pour sauver sa fille. Le tribunal dut alors se consulter de nouveau après avoir pris connaissance de ces nouveaux faits. Cette fois, plus personne ne vint au secours de la Folle de Corriveau, et cette dernière finit par avouer avoir tué son mari à coups de hache, puis l’avoir traîné jusqu’à l’écurie pour tenter de faire croire que le cheval l’avait piétiné.

Le dénouement de cette tragédie secoua la région entière. Marie-Josephte Corriveau, fille de Josephe Corriveau, fut pendue aux alentours des Buttes-à-Nepveu, sur les Plaines d’Abraham. Mais l’exécution en soi ne constitua pas l’événement le plus marquant de cette légende. Non ! Dans un élan de mysticisme, les autorités décidèrent que non seulement la Corriveau serait pendue, mais qu’on enfermerait son cadavre dans une cage et que cette cage serait suspendue en plein village, afin que tous contemplent le sort que l’on réservait aux crimes odieux. On choisit donc la Pointe-Lévis, carrefour de quatre chemins, comme lieu de prédilection…

 

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